Plan en 10 points pour réduire la dépendance de l’Union européenne à l’égard du gaz naturel russe

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À propos de ce rapport

Des mesures mises en œuvre dès cette année pourraient faire baisser les importations de gaz russe de plus d’un tiers – voire de plus de la moitié si elles s’accompagnaient de dispositions temporaires supplémentaires – et contribueraient par ailleurs à diminuer les émissions.

La dépendance de l’Europe à l’égard du gaz naturel importé de Russie a une fois de plus été mise en évidence avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février dernier. En 2021, l’Union européenne (UE) a importé de Russie plus de 380 millions de mètres cubes (Mm3) de gaz par gazoduc en moyenne journalière, soit un total d’environ 140 milliards de mètres cubes (Gm3) sur l’année, auxquels s’ajoutent environ 15 Gm3 de gaz naturel liquéfié (GNL). Ces 155 Gm3 de gaz importés de Russie ont représenté environ 45 % des importations et presque 40 % de la consommation totale de gaz au sein de l’UE en 2021.

Les progrès de l’UE sur la voie de la neutralité carbone feront reculer la consommation et les importations de gaz dans les prochaines années, mais la crise actuelle soulève des questions spécifiques par rapport aux importations de gaz russe – et à ce que les décideurs et les consommateurs peuvent faire pour contribuer à les diminuer. La présente analyse de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) propose une série de mesures immédiates pour réduire la dépendance de l’UE à l’égard du gaz russe, tout en améliorant à court terme la résilience du réseau gazier européen et en réduisant au minimum les difficultés auxquelles seront confrontés les consommateurs les plus vulnérables.

Ce plan contient une série de dix mesures, qui couvrent à la fois les approvisionnements gaziers et les usages du gaz (pour la production d’électricité et la consommation finale1) et pourraient permettre à l’UE de réduire de plus d’un tiers (50 Gm3) ses importations annuelles de gaz russe à l’horizon d’un an. Ces chiffres tiennent compte des besoins liés à la reconstitution des stocks européens de gaz en 2022, ces derniers ayant atteint un niveau inhabituellement bas résultant de la faible contribution des approvisionnements russes à leur remplissage au cours de l’année précédente. Ce plan en 10 points est compatible avec les ambitions climatiques de l’UE et du Pacte vert pour l’Europe, ainsi qu’avec les objectifs de la Feuille de route de l’AIE pour zéro émission nette à l’horizon 2050 (Net Zero by 2050 Roadmap), dans laquelle l’UE élimine totalement ses besoins d’importation de gaz russe d’ici à 2030.

Le présent document examine également les possibilités pour l’Europe d’aller encore plus vite et plus loin pour réduire sa dépendance à l’égard du gaz russe ; ces mesures provoqueraient cependant un ralentissement de la baisse des émissions européennes à court terme. En prenant ces dispositions supplémentaires, l’Europe pourrait voir ses importations de gaz russe reculer de plus de moitié dans un avenir proche, soit une diminution de plus de 80 Gm3.

L’analyse met en avant un certain nombre de choix à effectuer en termes de politique énergétique. L’accélération des investissements dans les énergies propres et l’efficacité énergétique est au cœur de la solution, cependant un déploiement – même rapide – prendra du temps avant d’infléchir visiblement les importations gazières. Plus les décideurs européens chercheront à s’éloigner rapidement des approvisionnements en gaz russe, plus ils créeront des conditions favorables en termes de coûts et des émissions à court terme. Par ailleurs, les situations des pays de l’UE en termes de dépendance aux approvisionnements en gaz russe varient considérablement en fonction de leurs caractéristiques géographiques et de leurs contrats d’approvisionnement.

Réduire la dépendance à l’égard du gaz russe ne sera pas chose facile ; cela nécessitera des politiques concertées et durables dans de nombreux secteurs, ainsi qu’un dialogue international solide sur les marchés et la sécurité énergétiques. Les choix politiques que l’Europe va être amenée à faire vont peser à de multiples niveaux sur l’équilibre des marchés mondiaux. Le renforcement de la coopération internationale avec d’autres pays exportateurs de gaz, que ce soit par gazoduc ou sous forme de GNL, ainsi qu’avec d’autres grands importateurs et consommateurs, sera déterminant. Une communication claire entre les pouvoirs publics, l’industrie et les consommateurs sera également essentielle à la réussite de la mise en œuvre de cette démarche.

Approvisionnements en gaz

1. Aucun nouveau contrat d’approvisionnement avec la Russie

  • Des contrats conclus avec Gazprom pour l’importation de plus de 15 Gm3 de gaz par an, soit environ 12 % des approvisionnements assurés par la société dans l’UE en 2021, arrivent à échéance fin 2022. De manière générale, les contrats liant l’UE à Gazprom pour la fourniture de près de 40 Gm3 de gaz par an arriveront à échéance d’ici à la fin de la décennie.
  • À moyen terme, l’UE a donc une opportunité de diversifier considérablement ses approvisionnements en gaz en se tournant vers d’autres sources, et de tirer parti des solutions d’importation que lui offrent ses installations GNL et son réseau de transport par gazoducs. 

Impact : En tirant parti de l’expiration des contrats à long terme conclus avec la Russie, l’UE réduira les volumes de gaz russe qu’elle est tenue d’acheter conformément aux clauses contractuelles de type take-or-pay et pourra alors diversifier davantage ses approvisionnements.


2. Remplacer le gaz russe par d’autres sources d’approvisionnement

  • En complément du point précédent, notre analyse montre que la production de gaz au sein de l’UE et les importations par gazoduc hors Russie (en provenance notamment d’Azerbaïdjan et de Norvège) pourraient augmenter de 10 Gm3 au maximum par rapport à 2021. Cette estimation repose sur l’hypothèse d’un plus grand recours aux capacités d’importation, d’un allègement du calendrier de maintenance estivale des installations et d’une révision à la hausse des quotas ou plafonds de production.
  • À court terme, l’UE peut également accroître ses importations de GNL, compte tenu de ses capacités de regazéification inutilisées2. Les échanges de GNL étant par définition flexibles, les variables essentielles dont il faut tenir compte à court terme sont la disponibilité de cargos supplémentaires, en particulier ceux disposant d’une certaine souplesse contractuelle concernant le lieu de destination, et la concurrence avec d’autres pays importateurs, notamment en Asie.
  • L’UE pourrait théoriquement accroître ses apports en GNL de quelque 60 Gm3 comparé aux niveaux moyens relevés en 2021. Cependant, étant donné les limites imposées par la capacité mondiale d’offre de GNL, une concurrence exacerbée pourrait (en l’absence d’événements météorologiques ou d’autres facteurs limitant la demande dans d’autres régions) provoquer des tensions exceptionnelles sur les marchés du GNL et faire monter considérablement les prix.
  • Compte tenu des niveaux actuels des prix à terme et de l’équilibre entre l’offre et la demande de GNL, ce Plan table sur une augmentation des importations européennes de GNL de 20 Gm3 au cours de l’année à venir. Afin que les achats de GNL puissent avoir lieu en temps voulu, il sera utile de renforcer le dialogue avec les exportateurs et les autres importateurs de GNL, d’œuvrer pour davantage de transparence et d’utiliser plus efficacement les capacités des terminaux de regazéification de GNL.
  • La hausse des approvisionnements par gazoduc hors Russie et sous forme de GNL suppose de prendre des mesures concertées pour lutter contre les fuites de méthane dans l’ensemble de l’Europe – l’exploitation du pétrole et du gaz entraînerait des fuites estimées à 2.5 Gm3 par an – ainsi que dans les autres pays fournisseurs non européens, en particulier ceux où d’importantes quantités de gaz sont torchées faute de débouchés.
  • Les possibilités d’accroître les approvisionnements en biogaz et biométhane sont limitées à court terme du fait des délais de mise en œuvre de nouveaux projets. Toutefois, ces sources prometteuses d’énergie bas carbone offrent d’importantes perspectives d’augmentation de la production de gaz à l’échelle de l’UE. Le même constat s’applique à la production d’hydrogène bas carbone par électrolyse, qui dépend des nouveaux projets conduits autour de la technologie de l’électrolyse et des nouvelles installations de production d’énergie bas carbone raccordées au réseau. L’augmentation de la production de gaz bas carbone est indispensable pour atteindre les objectifs européens de réduction des émissions aux horizons 2030 et 2050.

Impact : Augmentation d’environ 30 Gm3 des approvisionnements en gaz hors Russie.


3. Instaurer des obligations minimales de stockage du gaz pour renforcer la résilience des marchés

  • Le stockage du gaz joue un rôle clé en ce qu’il permet de répondre aux variations saisonnières de la demande et de faire face à des événements inattendus – tels que les pics de demande ou les ruptures d’approvisionnement – qui font exploser les prix. Le stockage du gaz offre une sécurité encore plus précieuse en cas de tensions géopolitiques.
  • Les faibles écarts de prix saisonniers relevés actuellement sur les marchés gaziers européens n’incitent pas suffisamment à relever le niveau des stocks en prévision de la saison hivernale 2022-23, comme le montrent les résultats des récentes enchères de capacité de stockage. L’harmonisation des obligations de stockage imposées aux opérateurs privés sur le marché gazier européen, conjuguée à de solides mécanismes d’attribution des capacités fondés sur le marché, permettrait d’utiliser de manière optimale l’ensemble des capacités de stockage disponibles au sein de l’UE.
  • Notre analyse, qui repose sur l’expérience des récentes années, montre que les infrastructures de stockage de l’UE doivent afficher un taux de remplissage d’au moins 90 % au 1er octobre pour que l’équilibrage gazier s’effectue convenablement tout au long de la saison hivernale. Compte tenu des faibles niveaux de stockage observés à la fin de cet hiver, les injections de gaz devront être relevées d’environ 18 Gm3 en 2022 par rapport à 2021 pour satisfaire cet objectif.
  • Une coordination régionale du volume et de l’accès aux ressources stockées pourrait largement œuvrer en faveur d’une plus grande solidarité entre les États membres de l’UE et renforcer leur sécurité d’approvisionnement gazier en prévision de la prochaine saison hivernale.

Impact : Renforcement de la résilience du système gazier, même si la reconstitution nécessaire des stocks en 2022 se traduira par une augmentation de la demande et par conséquent des prix du gaz.

Secteur électrique

4. Accélérer le déploiement de nouveaux projets solaires et éoliens

  • En 2022, la mise en service d’un nombre record de nouvelles installations solaires photovoltaïques et éoliennes – ainsi que le retour à des conditions météorologiques moyennes – feront vraisemblablement augmenter la production européenne d’électricité issue de sources renouvelables de plus de 100 térawattheures (TWh), soit une hausse de plus de 15 % par rapport à 2021.
  • L’adoption de politiques concertées en faveur d’une mise en service rapide de nouvelles installations pourrait permettre de produire 20 TWh d’électricité supplémentaires au cours de cette année. Cette électricité proviendrait en majeure partie de projets éoliens et solaires, dont l’achèvement pourrait être accéléré en raccourcissant les délais de délivrance des autorisations. Il conviendra pour cela de clarifier et simplifier les responsabilités des divers organismes chargés de la délivrance de ces autorisations, de renforcer les capacités des administrations, d’assortir les procédures d’autorisation d’échéances claires et de dématérialiser les demandes.
  • Un déploiement plus rapide des systèmes photovoltaïques de toiture peut faire baisser les factures des consommateurs. À court terme, un programme de subventions couvrant 20 % des coûts d’installation pourrait permettre des investissements deux fois plus rapides (comparé aux prévisions de référence de l’AIE), pour un coût avoisinant les 3 milliards d’euros. Grâce à ce dispositif, la production annuelle d’électricité des panneaux solaires photovoltaïques de toiture pourrait gagner jusqu’à 15 TWh.

Impact : 35 TWh d’électricité supplémentaires produits dans le cadre de nouveaux projets d’énergie renouvelable au cours de l’année à venir, qui viendraient s’ajouter à la croissance de la production déjà prévue pour ces sources, réduisant ainsi la consommation de gaz de 6 Gm3.


5. Tirer le maximum de la production d’électricité issue de sources pilotables à faibles émissions : bioénergie et nucléaire

  • L’électricité nucléaire constitue le premier moyen de production d’électricité à faibles émissions au sein de l’UE, mais plusieurs réacteurs ont dû être arrêtés en raison d’opérations de maintenance et de contrôles de sûreté en 2021. En 2022, la remise en service de ces réacteurs conjuguée au lancement de l’exploitation commerciale du nouveau réacteur finlandais pourrait permettre à l’UE de voir sa production d’électricité d’origine nucléaire gagner jusqu’à 20 TWh. 
  • De nouvelles mises à l’arrêt de réacteurs limiteraient toutefois cette reprise de la production : quatre réacteurs nucléaires doivent en effet être arrêtés d’ici la fin 2022, suivi d’un cinquième courant 2023. Le report temporaire de ces fermetures, qui ne devra pas faire perdre de vue la sûreté de l’exploitation, permettrait de baisser la demande de gaz de l’UE de presque 1 Gm3 par mois. 
  • Par ailleurs, le parc européen de centrales à biomasse et biogaz n’a été exploité qu’à hauteur de 50 % environ de sa puissance installée en 2021. Ces centrales pourraient produire jusqu’à 50 TWh d’électricité supplémentaires en 2022, sous réserve que des incitations adéquates et des approvisionnements durables en bioénergie soient mis en place.

Impact : Augmentation de 70 TWh de la production d’électricité générée à l’aide de sources pilotables d’énergie à faibles émissions, et baisse de 13 Gm3 de la consommation de gaz destinée à produire de l’électricité.


6. Adopter des mesures à court terme pour préserver les consommateurs vulnérables de la hausse des prix de l’électricité

  • À l’heure actuelle, le marché est conçu de telle manière que des prix du gaz élevés au sein de l’UE font augmenter les prix sur le marché de gros de l’électricité, permettant ainsi à certains fournisseurs de réaliser des bénéfices exceptionnels. Les conséquences sont non négligeables pour l’accessibilité de l’électricité, ainsi que pour les incitations économiques visant à faire progresser la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie, qui constitue un élément clé des transitions énergétiques. 
  • On estime que les dépenses consenties par les États membres de l’UE pour amortir les effets de la crise des prix des énergies sur les consommateurs vulnérables avoisinent déjà les 55 milliards d’euros.
  • Dans une certaine mesure, la hausse des prix de l’électricité est inévitable lorsque les prix du gaz (et du CO2) sont élevés. Cependant, les marchés de gros actuels permettent à de nombreux producteurs d’électricité et à leur maison mère de réaliser des bénéfices bien supérieurs aux coûts d’exploitation ou de reconstitution du capital. La situation actuelle du marché pourrait permettre aux producteurs européens d’électricité des filières gaz, charbon, nucléaire, hydraulique et d’autres sources renouvelables de dégager des bénéfices nets pouvant atteindre 200 milliards d’euros en 20223.
  • Des mesures provisoires visant à taxer plus lourdement les bénéfices extraordinaires des compagnies d’électricité pourraient être envisagées. Ces recettes fiscales devraient ensuite être redistribuées aux consommateurs pour atténuer en partie la hausse de leurs dépenses d’électricité. La Roumanie et l’Italie ont déjà mis en place de telles mesures en 2022.

Impact : Baisse des dépenses énergétiques des consommateurs même si les prix du gaz naturel demeurent élevés, en allouant jusqu’à 200 milliards d’euros destinés à amortir les impacts sur les catégories vulnérables4.

Secteurs de consommation finale

7. Accélérer le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur

  • Les pompes à chaleur constituent un mode de chauffage très efficace et économique en remplacement des chaudières nécessitant du gaz ou d’autres combustibles fossiles. L’accélération du déploiement des pompes à chaleur, en multipliant par deux les taux d’installation actuellement relevés au sein de l’UE, permettrait d’économiser 2 Gm3 supplémentaires de gaz la première année, pour un investissement complémentaire total de 15 milliards d’euros.
  • Parallèlement aux politiques existantes, des soutiens ciblés aux investissements peuvent favoriser les installations de pompes à chaleur. Idéalement, l’installation des pompes à chaleur devrait s’accompagner de la rénovation des logements eux-mêmes pour atteindre le meilleur rendement énergétique possible et réduire les coûts généraux.
  • Le remplacement des chaudières et de certains fours à gaz par des pompes à chaleur s’avère également intéressant pour l’industrie, bien que le développement de ces nouveaux équipements risque de nécessiter davantage de temps. 
  • Le passage du gaz à l’électricité pour le chauffage des bâtiments pourrait induire une augmentation de la demande de gaz pour la production d’électricité, selon les situations. Toutefois, quel que soit le contexte, cette hausse serait bien inférieure à la quantité totale de gaz économisée. Cette transition aurait également pour effet de reporter les fluctuations saisonnières de la demande du marché du gaz vers le marché de l’électricité.

Impact : Réduction de la consommation de gaz dédiée au chauffage de 2 Gm3 supplémentaires en un an.


8. Accélérer la rénovation énergétique des bâtiments et des locaux industriels

  • Le renforcement de l’efficacité énergétique s’avère être très utile pour accompagner la transition vers des énergies propres, mais nécessite souvent du temps pour produire des résultats. Le présent plan d’action cherche à déterminer comment faire accélérer les progrès dans ce domaine, en se concentrant sur des mesures susceptibles de produire des effets rapidement.
  • À l’heure actuelle, seul 1 % environ du parc immobilier européen est rénové chaque année. Il pourrait être possible de relever rapidement ce rythme de 0.7 % en ciblant les logements et les immeubles non résidentiels les moins économes en énergie, en encourageant des travaux d’isolation par des normes d’efficacité énergétique. De cette manière, la consommation de gaz baisserait de plus de 1 Gm3 en l’espace d’une année, avec des répercussions positives en termes d’emploi, même si cela nécessiterait de prendre des mesures connexes pour améliorer les chaînes d’approvisionnement en matériaux et le développement de la main d'œuvre. 
  • Cette accélération à court terme de la rénovation des bâtiments et du déploiement des pompes à chaleur favoriseront les changements inscrits dans les cadres d’action européens. Dans le cadre du paquet législatif « Fit for 55 », les directives européennes sur l’efficacité énergétique et la performance énergétique des bâtiments visent à réduire la demande de gaz des bâtiments de 45 Gm3 par an à l’horizon 2030.
  • De nombreux ménages s’équipent de thermostats connectés (intelligents) pour réduire le montant de leur facture énergétique et améliorer le confort de leur logement. La généralisation de cette démarche simple peut être obtenue rapidement. En triplant le taux d'équipement actuel (environ un million de logements par an), la demande de gaz destiné au chauffage pourrait reculer de 200 Mm3 supplémentaires par an, pour un coût total d’1 milliard d’euros. L’acquisition de ce type d’appareils peut être encouragée via les programmes existants, qui reposent notamment sur des subventions aux ménages ou des obligations imposées par les fournisseurs d’énergie.
  • Les interventions réalisées dans le cadre de l’entretien annuel des chaudières à gaz pourraient également être l’occasion de veiller à ce que les chauffe-eau qui équipent les logements soient réglés à une température optimale en termes d’efficacité énergétique, n’excédant pas 60 °C.
  • Enfin, aider les petites et moyennes entreprises (PME) à renforcer leur efficacité énergétique permettra d’économiser de l’énergie tout en préservant ces entreprises de la volatilité des prix. De nombreux États membres de l’UE disposent de programmes proposant des audits énergétiques et un accompagnement aux PME en vue d’économiser de l’énergie rapidement et efficacement. Le développement de ces dispositifs, qui seraient proposés à 5 % des PME, permettrait de réaliser des économies d’énergie immédiates de 250 Mm3 par an.

Impact : Réduction de la consommation de gaz destinée au chauffage avoisinant 2 Gm3 par an, parallèlement à une baisse des factures d’énergie, à une amélioration du confort et au renforcement de la compétitivité des entreprises.


9. Pousser les consommateurs à baisser temporairement leur thermostat

  • De nombreux citoyens européens réagissent déjà de diverses manières à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, via des dons ou dans certains cas en aidant directement les réfugiés ukrainiens. Abaisser la température de chauffage des immeubles européens équipés de chaudières à gaz constituerait un autre moyen d’action temporaire, qui permettrait d’économiser une quantité considérable d’énergie. 
  • Au sein de l’UE, la température de chauffage moyenne des immeubles est actuellement supérieure à 22 °C. Le fait de régler les thermostats sur une température inférieure permettrait de réaliser une économie annuelle d’environ 10 Gm3 par degré, tout en faisant baisser le montant des factures d’énergie.
  • Les campagnes de sensibilisation du public et d’autres mesures telles que le suivi de la consommation d’énergie et les objectifs collectifs peuvent encourager ces changements au sein des logements et des bâtiments commerciaux. La mise en place d'une réglementation relative à la températures de chauffage des bureaux pourrait également être un outil efficace. 

Impact : Abaisser le chauffage intérieur de seulement 1°C entraînerait une réduction de la demande de gaz de quelque 10 Gm3 par an.

Éléments transversaux

10. Prendre davantage de mesures pour diversifier et décarboner les sources d’énergie garantissant la flexibilité du système électrique

  • Dans les années à venir, l’un des principaux défis à relever pour l’UE sera d’assurer le développement de nouvelles formes de flexibilité pour le système électrique, afin de pouvoir répondre notamment aux variations saisonnières, mais aussi au déplacement de la demande et à l’écrêtement de la demande de pointe. Pour le moment, le gaz est la principale source d’énergie permettant cette flexibilité, c’est pourquoi les liens entre le gaz et la sécurité électrique sont appelés à se renforcer au cours des années à venir, quand bien même la demande de gaz totale diminue au sein de l’UE. 
  • Les pouvoirs publics doivent donc continuer de travailler à la mise en place et au déploiement de méthodes exploitables, durables et économiques permettant de gérer les besoins de flexibilité des systèmes électriques européens. Il conviendra pour cela d’explorer un large éventail de solutions, telles que l’amélioration des réseaux de transport de l’électricité, l’efficacité énergétique, la hausse de l’électrification et les politiques d’action sur la demande, la production d’énergie pilotable et à faibles émissions et les diverses technologies de stockage de l’énergie de grande ampleur et à long terme, parallèlement aux sources de flexibilité à court terme, comme les batteries. Les États membres de l’UE doivent veiller à ce que les prix de marché envoient un signal adéquat pour étayer l’étude d’opportunité de ces investissements.
  • En termes de flexibilité, les mesures visant à réduire la demande d’électricité et de gaz du secteur industriel aux heures de pointe jouent un rôle particulièrement important en ce qu’elles allègent la pression exercée sur la demande de gaz liée à la production d’électricité. 
  • Les sources nationales de gaz bas carbone – telles que le biométhane, l’hydrogène bas carbone et le méthane synthétique – pourraient répondre en grande partie à cette problématique, mais il faudra pour cela procéder à davantage d’essais et œuvrer plus largement au déploiement de ces technologies. 

Impact : Donner à court terme un grand coup d’accélérateur à l’innovation permettra d’assouplir peu à peu les liens entre les approvisionnements en gaz naturel et la sécurité d’approvisionnement en électricité de l’Europe. Du côté de l’électricité, des signaux-prix en temps réel peuvent introduire davantage de souplesse au niveau de la demande, et ainsi réduire les besoins d’approvisionnement coûteux en gaz au moment des pics de demande.

Options de commutation de combustibles supplémentaires

Aller plus vite et plus loin – d’autres possibilités de substitution de combustibles dans le secteur de l’électricité

Sous réserve de compromis importants, les dirigeants européens peuvent actionner d’autres leviers s’ils souhaitent ou doivent réduire leur dépendance à l’égard du gaz russe encore plus rapidement5. À court terme, la principale solution serait de faire en sorte que les producteurs d’électricité cessent d'utiliser du gaz et se tournent davantage vers le parc européen de centrales à charbon ou vers des combustibles de substitution – principalement des combustibles liquides – dans les centrales à gaz existantes.

Étant donné que ces solutions de replacement induiraient une hausse des émissions européennes de GES (gaz à effet de serre), elles ne figurent pas dans le plan en 10 points présenté ci-dessus. Elles permettraient cependant de déplacer de grandes quantités de gaz relativement rapidement. On estime en effet que l’abandon temporaire du gaz au profit du charbon ou du pétrole pour la production d’électricité pourrait faire reculer la demande de gaz naturel de quelque 28 Gm3 avant que les émissions du secteur européen de l’énergie n’enregistrent une augmentation globale.

Cette baisse plus importante de la demande de gaz serait principalement rendue possible en recourant au charbon : ainsi, 120 TWh d’électricité supplémentaire produite dans les centrales à charbon pourraient faire reculer la demande de gaz de 22 Gm3 en un an. Outre la possibilité de fonctionner grâce au biométhane, près d’un quart des centrales thermiques à gaz peuvent utiliser d’autres combustibles, presque exclusivement sous forme liquide. En tirant parti de cette possibilité, la demande de gaz naturel pourrait fléchir de 6 Gm3 supplémentaires par an, en fonction des incitations financières mises en place pour encourager cette substitution et de la disponibilité de ces combustibles.

Si ce changement de combustible était pleinement mis en œuvre en complément des 10 points décrits plus haut, la baisse annuelle totale des importations européennes de gaz russe dépasserait 80 Gm3, soit plus bien plus de la moitié des volumes importés actuellement, tout en assurant un léger recul des émissions de GES totales.

References
  1. Ce plan en 10 points ne comporte pas de mesures à court terme visant à restreindre la demande du secteur industriel, en raison des répercussions plus larges qu’elles pourraient avoir sur l’économie européenne.

  2. L’UE dispose de capacités de regazéification annuelles supérieures à 200 Gm3 et peut également acheminer du gaz via les terminaux GNL britanniques. Cependant, certaines régions présentent des capacités d’interconnexion limitées, notamment entre l’Espagne et la France, restreignant l’utilisation des capacités de regazéification espagnoles dont pourraient profiter d’autres pays européens.

  3. Dans l’hypothèse où les prix du gaz et du carbone atteindraient respectivement 22 EUR/MMbtu et 90 EUR/tonne.

  4. Les montants dépendraient de la manière dont seraient conçues les mesures, ainsi que d’autres facteurs influençant la rentabilité globale des compagnies d’électricité.

  5. Les possibilités de réduire la consommation de gaz du secteur industriel a également été examinée, en particulier lorsque le gaz est utilisé comme matière première. De ce point de vue, les rendements de conversion disposent d’une marge d’amélioration limitée, de sorte qu’une réduction de la demande de gaz se traduirait en pratique par une baisse de la production de l’industrie chimique, avec des répercussions potentiellement importantes tout au long des chaînes de valeur (en 2021, par exemple, l’industrie agroalimentaire a subi des perturbations car l’approvisionnement en carbone des entreprises de conditionnement alimentaire était assuré par des usines d’ammoniac, qui ont cessé leur production en raison de la hausse des prix du gaz naturel).